Ath: La Reine Fabiola aimait la cité des Géants (06/12/2014)
Christian Cannuyer, vous êtes un observateur averti de la famille royale et un historien du pays d'Ath. Quel souvenir de la Reine peut-on retenir dans la région d'Ath ?
Je dirais d'abord qu'à plusieurs reprises, la reine Fabiola a visité des institutions hospitalières, caritatives ou éducatives de notre région et qu'à chaque fois, elle a laissé le souvenir d'une grande dame, très attentive aux plus faibles, douée d'un sens authentique de la communication, volubile, joyeuse, peu soucieuse du protocole. Je pense par exemple à une visite mémorable qu'elle rendit le 2 avril 1973 à l'Institut Sainte-Gertrude à Brugelette : les enfants "différents" de cette institution furent sous le charme, émerveillés par la disponibilité de leur hôte.
Y-a-t-il eu des évènements marquants ?
Il y eut évidemment aussi des épisodes plus marquants, comme la visite officielle, une sorte de "joyeuse entrée", que le roi Baudouin et son épouse firent à Ath en 1981, à l'invitation du bourgmestre Guy Spitaels. Ce qu'on sait moins, c'est que de profonds liens d'amitié allaient quelques années plus tard se nouer entre le couple royal et le grand homme d'Etat. Lorsque la fille de Guy Spitaels, Emmanuèle, décéda accidentellement en 1984, Baudouin et Fabiola firent preuve d'une sincère empathie envers les parents meurtris et naquit ainsi une relation très forte. Après la mort du roi Baudouin, Mr et Mme Spitaels continuèrent à voir de temps en temps la reine Fabiola. Tout, sur le plan des idées et des convictions, auraient pu séparer Fabiola de Guy Spitaels, mais curieusement, il y eut entre ces deux-là une étonnante connivence intellectuelle et affective. En fait, ils se connaissaient depuis bien avant, car, jeune professeur à l'ULB, Guy Spitaels avait été sollicité par le Palais pour donner des cours privés d'économie et de sociologie à la Reine. Je me souviens très bien du regard assez interloqué des journalistes qui couvraient avec moi, sur une chaîne de télévision, le direct de la réception donnée à Laeken en 1999 à l'occasion des fiançailles de Philippe et Mathilde, lorsque les caméras s'attardèrent en gros plan sur une longue discussion enjouée entre le Spit et Fabiola : leur complicité était évidente.
Souvenez-vous d’un souvenir Athois de la Reine Fabiola ?
Un autre souvenir "athois" de la Reine qui m'est cher : sa visite en octobre 1987, à la ferme de mes amis Pierre et Marie-Jeanne De Keyser. Madame était alors présidente nationale de l'union professionnelle agricole féminine, et la Reine avait consacré toute une journée à visiter des entreprises agricoles de la région. Ce fut une très belle et émouvante journée. Tous furent impressionnés par le professionnalisme, la qualité d'écoute, la simplicité et la pertinence des réactions de l'illustre visiteuse. Madame De Keyser me confia ensuite : "Je savais que la Reine était une grande dame, mais j'ai compris que c'était une femme exceptionnelle." Une anecdote me revient en tête : à la jeune fille de la maison qui avait évoqué son métier d'institutrice devant la Reine, Fabiola n'hésita pas à confier : "Ah ! Ça, c'est le métier que j'aurais vraiment aimé faire ! ... Mais j'ai hélas mal tourné..."
Contrairement à certains médias qui en ont parfois donné l'image d'une aristocrate espagnole confite en dévotion, Fabiola avait un sens de l'humour très décapant. Rappelez-vous, encore dernièrement, la pomme qu'elle avait exhibée à la tribune royale du 21 juillet après avoir été menacée d'un assassinat à... l'arbalète ! Je dois avouer que je suis très ému par sa disparition, même si je m'y attendais depuis quelques semaines. Vous savez, la Reine avait accordé son patronage à l'association Solidarité-Orient/Werk voor het Oosten, que je dirige à Bruxelles et qui a pour but de soutenir les chrétiens du Proche-Orient, qui vivent aujourd'hui des heures dramatiques. La Reine avait à cœur ce patronage : au début de cette année, alors qu'elle avait renoncé à quasiment tous ses patronages, elle avait tenu à maintenir celui qu'elle octroyait à mon association et m'avait fait dire à quel point elle considérait celle-ci comme importante. J'aurai sans doute du mal à contenir ma peine lorsque je commenterai en direct les funérailles, la semaine prochaine, sur RTL-Tvi.
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