Ath: Ce samedi Philippe Guignet donnera une conférence sur le Hainaut (24/03/2023)

1.jpgSamedi 25 mars 2023 à 15 heures, à la Maison Culturelle d’Ath (château burbant) : Economie, société et vie religieuse d’une province, le Hainaut (XVIIe et XVIIIe siècle) par Philippe Guignet, professeur honoraire à l’Université de Lille, président de la Commission Historique du Nord.

Le Hainaut, cette province de taille moyenne (un peu plus de 5000 km²) ne fut pas un pays de cocagne, même si les représentations traditionnelles évoquent une civilisation attachante où il fait bon vivre. En vérité, il faut, en se gardant des généralisations hâtives, avoir conscience des grandes scansions conjoncturelles.

Après l’étiage démographique de la fin du XVIe siècle, la société du Hainaut connut une croissance à propos de laquelle on peut parler de « Trente Glorieuses » du XVIIe siècle entre 1600 et 1630 (dates rondes). Puis s’impose une conjoncture qui sans être toujours noire, fut pour le moins grise. Les difficultés furent en effet aggravées par l’entrée en guerre de la France contre l’Espagne en 1635. Les perdants furent les artisans, les petits paysans qui subissent une dégradation de leurs conditins de vie. Les groupes sociaux médians souffrirent également, alors que les « gros censiers » qui louent des dizaines d’hectares, prennent à ferme les droits seigneuriaux et la dîme dominent le monde paysan. Dans les villes, une volonté de reprise en main et d’encadrement des populations par le renforcement des structures corporatives se manifeste avec de grands Magistrats devenus de fermes tuteurs du dispositif corporatif. Dans les cités marchandes, les négociants qui pour la plupart font commerce de tout (grains, bois, textiles, vins, etc.) sont les maîtres des prix et donc in fine de l’emploi. La pauvreté est toujours obsédante, mais le temps de Charles Quint a légué aux villes un réseau d’Aumônes Générales.

Le beau « XVIIIe siècle » est évidemment clairement décelable dans le Hainaut où la courbe des naissances s’envole dès les années 1720-1730. La prospérité de l’agriculture est un fait avéré. Des blocages structurels commencent à être levés. Dans plusieurs secteurs, la jachère commence à être abandonnée dans le second XVIIIe siècle. On assiste à un apogée des fabriques rurales, à une exurbanisation des activités manufacturières dans maintes cités, tandis que de nouvelles frontières économiques se font jour (découverte du charbon dans le Valenciennois, extraction charbonnière en essor dans le Hainaut belge, affirmation de la vocation dentellière à Valenciennes, Binche, etc).

Le Hainaut enserré en grande partie dans le diocèse de Cambrai fut durement affecté par les troubles politico-religieux des dernières décennies du XVIe siècle. La Contre-Réforme catholique s’y déploie ensuite avec une grande puissance. Outre le réseau de près de 600 paroisses anciennement constituées, l’Église peut compter sur un impressionnant quadrillage d’institutions tenues par le clergé régulier. Les villes du XVIIe siècle sont de surcroît confrontées à une « invasion conventuelle ». Se met en place une Eglise d’action dynamisée par des prélats de combat (Richardot, Buisseret, surtout F. Van der Burch) qui en liaison avec les autorités civiles instaurent un ordre moral (au sens noble du terme) que l’on peut qualifier d’« hispano-tridentin », ou de « burgondo-borroméen ». L ‘alphabétisation qui associe l’enseignement des rudiments, la formation religieuse et la « civilité chrétienne » est au service d’un projet de recatholicisation intégrale de la société. Les jésuites, on ne le répétera jamais assez, furent des acteurs majeurs de cette reconquête des âmes. Les dévotions foisonnent, le mouvement confraternel est en pleine vitalité.

En dépit des mutations, du XVIIIe siècle, ce modèle de chrétienté demeure stable. Le peuple est toujours fervent. C’est un peu l’âge d’or du clergé séculier. Les grandes abbayes dont le recrutement se réduit après 1750 tirent partie de rentes foncières abondantes et sont saisies par la fièvre de la bâtisse. Y a-t-il des amorces de déchristianisation après 1750 ?. Dans le second XVIIIe siècle, les loges maçonniques se multiplient dans le Hainaut, mais à l’époque sont-elles vraiment des lieux de sociabilité hostiles au christianisme ? Beaucoup d ‘historiens en doutent.

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