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Ath: Le Sauvage de la Ducasse d’Ath, Magnon et Père Fouettard dans Le même Sac ?

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 Img_9365.jpgAinsi donc, la baudruche qui menaçait la survie du Zwarte Piet néerlandais s’est dégonflée. Le Comité des droits de l’Homme de l’ONU a fait savoir qu’il n’était pas dans ses intentions d’imposer que les Pays-Bas interdisent, pour motif de relents racistes, la présence de Père Fouettard aux côtés de St-Nicolas lors de la joyeuse entrée traditionnelle de celui-ci prévue à Amsterdam début novembre. La rumeur a en fait été répandue par un lobby d’activistes qui n’avaient reçu aucun mandat de l’ONU. À Ath, on a eu chaud ! D’aucuns se demandaient déjà si l’ONU se pencherait également sur les cas du Sauvage de la Barque des Pêcheurs Napolitains et de Magnon, le « diable cornu » du service d’ordre du couple Goliath. Ne sont-ils pas, eux aussi, de tristes reliquats d’une époque où le « noir » était objet de mépris et de Img_3211.jpgmoquerie ? Ne témoignent-ils pas d’un « racisme ordinaire » qui perpétue dans notre folklore l’héritage le plus détestable de l’époque coloniale ? Certains humanistes s’en sont parfois émus. On a même suggéré de peindre plutôt le Sauvage en vert, pour éviter toute ambiguïté. Sans se demander ce qu’en penseraient les Martiens… Quand la société des Pêcheurs napolitains a introduit en 1873 sur son char un « sauvage » emplumé à la face noircie, prétendument ramené de l’île fabuleuse de Gavatao, grimaçant à souhait, frappant du gourdin comme un forcené, il est incontestable que l’initiative s’inscrivait dans l’esprit « raciste » du colonialisme ambiant. Comme l’a bien montré l’éminent spécialiste de notre folklore, J.-P. Ducastelle, « l’exhibition de ce personnage témoigne tout à la fois du mépris pour les peuples extra-européens et de la croyance en la supériorité de l’Occident ». Il est évidemment significatif que le « diable », incarnation du mal, soit représenté comme un « noir » dans notre tradition occidentale. Il en allait ainsi au Moyen Âge quand les premiers « diables » apparaissent dans la procession athoise (dès 1462). Magnon procède de cette symbolique, dont un autre historien athois, C. Cannuyer, précise qu’elle remonte à l’Égypte ancienne : on a pu montrer que l’identification de l’esprit du mal au « noir » provient du danger que représentaient pour les habitants de la vallée IMG_3028.JPGdu Nil les populations « nègres » du Soudan.

 

Que le Sauvage et Magnon s’inscrivent dans cet héritage regrettable est un fait. Faut-il pour autant les proscrire de notre fête ? Cela demande sans doute réflexion et on ne peut vider le débat en se référant simplement au principe douteux de « l’exception folklorique ». Mais d’un autre côté, les supprimer relèverait d’un radicalisme désincarné et irait à contre-courant de l’affectivité populaire, qui tient à ces personnages. Cela pourrait avoir l’effet contraire de celui escompté et irriter à juste titre une bonne partie de l’opinion contre les valeurs inspirant cette suppression. Que faire, alors ? Le bon sens indique qu’il faut évidemment garder ces personnages traditionnels – que nous aimons tellement, qu’ils fassent pleurer les gosses ou rire les adultes. Mais il convient de les « décanter » de leur dimension raciste en expliquant le contexte dans lequel ils ont été créés et en s’en désolidarisant résolument. À tout prendre, leur permanence dans notre folklore peut être considérée comme une invitation salutaire à ne pas oublier combien nos sociétés Img_3031.jpgfurent racistes et colonialistes. En prendre conscience, l’expliquer aux plus jeunes, et puis rire à chaudes larmes quand l’ami Rudy fait son show toutes plumes dehors, c’est une manière d’exorciser les fantômes de notre passé sans faire violence à des traditions auxquelles nous sommes attachés.

 

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