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Ath:De la Zélande aux Terres de Débat, par Michel de Waha

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capture.jpgSamedi 20 janvier 2024 à 15 heures, à la Maison Culturelle (château Burbant, auditorium Marion Coulon) : Traité de Tournai (1322) ou Traité de Paris (1323). De la Zélande aux Terres de Débat, par Michel de Waha, professeur honoraire Université libre de Bruxelles.

Le 6 mars 1323 était publié le « Traité de Paris ». La Zeeuws Genootschap voor Wetenschappen fondée en 1769 a voulu célébrer et étudier ce traité qui marque la fin des prétentions flamandes à la suzeraineté sur la Zélande bewesten Schelde, en gros la partie de la Zélande située sur la rive gauche de l’Escaut (dont le cours a varié au fil des siècles), et en ce sens la création d’un véritable comté de Zélande uni au comté de Hollande. La Société, mais aussi le Royaume des Pays-Bas, qui y a contribué par une parade navale, ont fêté cet événement, et la Société a organisé en Zélande une première rencontre scientifique consacrée à ce traité. L’original de celui-ci est conservé aux Archives Départementales du Nord à Lille où, le 14 octobre, une journée d’étude a rassemblé historiens zélandais, français et belges, les comtés de Flandre et de Hainaut étant partie prenante à ce document. La conférence s’articulera autour de nos réflexions à propos de cette journée et de l’article que nous avons rédigé pour les actes qui seront publiés par la Zeeuws Genootschap, en français d’ailleurs.

En bref, le traité règle certains des conflits pendant entre le comte de Flandre et le comte de Hainaut devenu également comte de Hollande, de Zélande et seigneur de Frise en 1299. Les points d’accord trouvés concernent, dans l’ordre, la Zélande (la Flandre renonce à toute suzeraineté ou souveraineté sur la Zélande désormais comté en soi, uni au comté de Hollande), la « Flandre impériale » ( très mauvaise dénomination d’un ensemble de seigneuries se trouvant sur la rive droite de l’Escaut, relevant à ce titre de l’Empire germanique, mais possédées à des moments et à des titres divers par les comtes de Flandre, mais contestées à celui-ci notamment par Jean d’Avesnes comte de Hainaut, puis par son fils Guillaume I (III en Hollande)). Le comte de Hainaut renonce à ses prétentions sur ces territoires. Le traité prévoit également une procédure pour régler le différend portant sur les terres de Débat, qui oppose Hainaut et Flandre depuis 1280, et sur lequel les parties n’avaient pu s’accorder.

L’objet de mon intervention était, tout d’abord de remettre les choses au point. Les Terres de Débat, à savoir la ville de Lessines et six villages, dont Flobecq sont peu étendues et paraissent à première vue comme d’une importance mineure. Il s’agissait de combattre une opinion répandue chez les historiens français, qui ne voient dans cette Querelle qu’une expression exacerbée de la haine viscérale qui opposait les descendants de Marguerite d’Avesnes, les Avesnes et les Dampierre. Cette haine aurait ainsi fait négliger aux comtes de Hainaut et de Flandre des affaires bien plus importantes. Partant de ces « errements », on débouche depuis Franz Funck-Brentano, à la fin du XIXe siècle, sur des jugements concernant le caractère des protagonistes, et sur l’exaltation de la grandeur et de la sagesse du roi de France Philippe le Bel.  La fixation d’une frontière entre le Hainaut et la Flandre, en 1280, tendait à créer une limite là où depuis plus d’un siècle, comtes de Hainaut et de Flandre avaient tout fait pour ne pas en définir, mais avaient aussi par un traité passé en 1176, interdit la construction de nouvelles fortifications. En 1280 donc, le comte de Hainaut ne disposait, comme seule défense de toute cette région, que de la Tour Burbant. Quelle qu’ait été la puissance de celle-ci, elle ne suffisait pas, seule, à assurer la sécurité du Hainaut. Le seigneur d’Audenaerde disposait, à Flobecq, d’une importante fortification. Dès 1280, Jean d’Avesnes obtint (avec des restrictions cependant) l’inféodation de cet alleu. Guy de Dampierre, comte de Flandre contesta immédiatement le statut allodial de l’ensemble castral, ce qui fut le début d’un très long conflit, d’autant plus exacerbé, que la maîtrise de Flobecq était d’une importance stratégique capitale pour le Hainaut.

La journée d’études vit l’intervention majeure de l’historienne gantoise Valéria Van Camp. Celle-ci a découvert aux Archives de la Ville de Gand une copie d’un texte en tous points semblable au Traité de Paris, et auquel celui-ci fait allusion, mais fait à Tournai le 4 décembre 1322. Pour Valéria Van Camp et pour moi, cette unique copie change fondamentalement la manière de comprendre le traité de Paris. La réaction des historiens français à cette découverte fut de la minimiser, de considérer le texte du 4 décembre 1322 comme une minute du traité de Paris, ce qu’il ne peut être. De manière fondamentale, les historiens français minimisent la capacité des parties à négocier en dehors de l’influence (de la surveillance) et du patronage du roi de France. Ils considèrent également pour négligeable l’implication de l’Empire dans des questions qui concernent pourtant son territoire. On trouvait cette façon d’analyser les événements il y a quelques années déjà dans un ouvrage qui mettait en avant le caractère inachevé de la construction bourguignonne.

V. Van Camp se centrant sur les aspects diplomatiques et administratifs de ce qu’il faut bien appeler Traité de Tournai, nous en avons analysé les aspects politiques, nous plaçant dans l’optique du comte de Hainaut.

Le Traité de Tournai est conclu dans des circonstances particulières. Le nouveau comte de Flandre, Louis de Nevers élevé à la cour de France n’arrive en Flandre que le 18 octobre 1322. Ce qui signifie que le traité a été négocié et conclu dans le court délai de deux mois. Les deux comtes ont ainsi fait table rase des nombreuses procédures d’arbitrage qui dans les décennies précédentes s’étaient immanquablement conclues par des échecs plus ou moins retentissants. Leur volonté politique les a amenés à créer de nouvelles situations de droit. Le comte de Flandre a abandonné ses revendications sur la Zélande, tirant les conséquences de la défaite navale flamande de Zierikzee en 1305. Le comte de Hainaut, Guillaume I, homme d’expérience qui menait une politique d’envergure européenne, a abandonné ses revendications sur la « Flandre Impériale ». La concession était majeure, puisque Guillaume renonçait ainsi à constituer un bloc territorial continu entre ses différents comtés. Pour passer du Hainaut en Hollande ou de Zélande en Hainaut, le comte devra nécessairement traverser une principauté voisine, la Flandre ou le Brabant. Guillaume avait obtenu depuis 1321 les dispenses de parenté nécessaires à la conclusion du mariage de son fils et héritier avec jeanne la fille aînée du duc de Brabant Jean III. (Jeanne ne deviendra héritière du Brabant que suite aux décès successifs de ses trois frères).

Il est par contre tout à fait surprenant que le traité de Tournai ait laisser demeurer en suspens la question des Terres de Débat et de Flobecq en particulier. Certes, l’état d’esprit affiché par les deux comtes était à la pacification. Mais la voie de pénétration militaire rapide au travers du Hainaut restait ouverte. Que penser de l’absence de modernisation de la tour Burbant pendant toute la première moitié du XIVesiècle ?

Cette dernière question sera résolue au Traité de Cambrai, en 1333. Les châtellenies de Flobecq et de Lessines seront tenues en fief du comte de Flandre par le comte de Hainaut, étant cependant entendu que les deux parties travailleraient à la délimitation exacte de ce qui, en leur sein, était tenu de Flandre et de ce qui était tenu de Hainaut. Comme Michel Deltenre l’a bien montré, cette délimitation précise ne fut jamais exécutée. Le comte de Hainaut entra en possession effective de Flobecq par l’achat de la seigneurie aux héritiers des seigneurs d’Audenaerde. Un hommage croisé fut créé : le comte de Flandre devint vassal du comte de Hainaut pour les seigneuries de Blaton et de Feignies. Hérold Pettiau a mis en évidence que ce type de contrat devait beaucoup à ce qui se pratiquait dans le cadre des relations entre les comtes de Hainaut et de Luxembourg.

En 1322 comme en 1333, les deux comtes ont créé le droit pour sortir de durs conflits. Ils l’ont également et peut-être surtout fait pour se libérer l’un comme l’autre de l’emprise étouffante du roi de France.

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